Bonjour M. Jamet, pouvez-vous présenter votre parcours ?
Bonjour, je suis diplômé d’une grande école d’ingénieurs, l’Ecole des Mines de Paris, en Sciences de la Terre – Géologie. Ensuite, je suis parti travailler dans le privé, à la Compagnie Générale des Eaux. Mais je ressentais une certaine frustration et souhaitais poursuivre mes études, donc je suis revenu à l’école pour obtenir mon doctorat. Je suis alors resté 17 ans à l’École des Mines, car j’ai pris goût à la recherche, à la formation, etc. Au milieu de ma carrière, j’ai ressenti le besoin de faire une mobilité internationale longue, parce que cela manquait à mon expérience. J’ai donc changé de métier et suis parti aux Etats-Unis, au Ministère des Affaires Etrangères où j’ai passé 4 ans.
« À ce stade de ma carrière, j’éprouve un attrait pour les projets qui ont du sens »
Néanmoins, j’ai toujours pensé que mon chemin me conduirait à diriger une école d’ingénieurs, car je ressentais que j’avais des choses à dire sur la pédagogie, sur la recherche, les innovations en tous genres, finalement sur la modernisation du modèle des grandes écoles. En rentrant, on m’a proposé la direction de l’école des Mines de Saint-Etienne, qui a par la suite été intégrée à l’Institut Mines Télécom, dont j’ai pris la barre 6 ans plus tard. En parallèle, j’ai effectué un certain nombre d’activités « syndicales » au service des grandes écoles, avec la présidence d’une conférence régionale en Rhône-Alpes, et puis la présidence de la Conférence Nationale des Grandes Ecoles pendant 2 ans. Cette expérience de défense et de promotion des intérêts et de la stratégie des grandes écoles m’a permis de mieux connaître l’écosystème universitaire et de m’intéresser, au-delà des écoles d’ingénieurs, aux écoles de management, d’arts, de spécialités. Je suis quelqu’un d’assez mobile, car j’ai déménagé 12 fois, en France ou à l’étranger donc je suis plutôt à la recherche de mobilités géographiques ou situationnelles, et c’est pour ça que je suis très heureux d’être là !
Votre état d’esprit au moment de prendre vos fonctions ?
J’ai beaucoup de curiosité. Je sais qu’on m’attend sur des objectifs ambitieux. Ce nouveau défi professionnel se présente à moi comme un parcours de découverte, en interaction avec des collègues qui travaillent dans un univers différent, que ce soit en matière de formation, de recherche ou de business model. Je vis cette nouvelle étape d’exploration avec enthousiasme. À ce stade de ma carrière, j’éprouve un attrait pour les projets qui ont du sens. Je n’ai pas envie de terminer ma carrière comme un pétrolier arrivé au port, en coupant les moteurs à la vue de la côte ; mais plutôt de naviguer au large, et je me sens au large ici, ça sent l’iode !
Pourquoi avoir pris ce poste ?
Tout d’abord parce que cela correspond à mes envies professionnelles, tout en me permettant de faire la synthèse des secteurs que j’ai explorés au cours de ma carrière, qui ont toujours tourné autour de l’hybridation. Je pense que les grandes écoles ont beaucoup mieux à faire que de poursuivre des stratégies de « pure-player ». Il y a 30 ans, j’ai créé une des premières formations en développement durable en France, un Master spécialisé, et j’ai fait admettre à mon école d’ingénieurs qu’il fallait recruter des personnes venant de Sciences Po, d’écoles de business, des architectes, qu’il fallait mélanger les publics : la diversité c’est plus que l’addition de différences, c’est vraiment de la transcendance, de la création de valeur nouvelle. Je vais appliquer ces principes à moi-même en immergeant mon ADN dans une école qui est différente, parce que c’est le moment de muter pour les écoles et pour moi, c’est bien dans la lignée de mon parcours. De plus, je crois que le secteur privé possède un fort potentiel transformant du paysage universitaire. Aujourd’hui on a besoin de créativité, de rupture, d’avoir un esprit entrepreneurial dans cette industrie académique, et je pense que le privé a davantage la capacité d’incarner ces changements.
« Je n’ai pas envie de terminer ma carrière comme un pétrolier arrivé au port, en coupant les moteurs à la vue de la côte mais plutôt de naviguer au large, et je me sens au large ici, ça sent l’iode ! »
Vos ambitions pour Paris School of Business ?
Les grands chantiers ? Tout d’abord, il y a une ambition inscrite dans le plan stratégique, de croissance quantitative qui correspond aux besoins des entreprises et de la société. Les grands progrès qualitatifs opérés par Paris School of Business constituent le socle de ce développement, en même temps qu’ils ouvrent la voie à des innovations et des améliorations supplémentaires de l’expérience étudiante et de l’offre éducative. À titre plus personnel, mon ambition est d’ancrer la transversalité dans les valeurs de l’école. Je pense que la promesse de valeur de Paris School of Business, la différence par rapport à la concurrence, c’est d’être capable d’afficher une école augmentée. C’est-à-dire une robuste base d’école de business enracinée dans un groupe ayant la capacité d’apporter des parcours hybridant extrêmement innovants. Cela peut se traduire par des mobilités internationales « in-house » ou des parcours croisés inédits : le Cours Florent, l’Istituto Marangoni, ou encore l’ouverture de nouvelles spécialités comme dans les domaines du biomédical et de l’énergie. Le groupe représente pour l’école un remarquable gisement de ressources. Ce sont les rencontres et les hybridations qui créent de la valeur, et c’est ce principe que je compte appliquer à Paris School of Business.
L’obtention de la labellisation internationale Equis est un objectif à la fois stimulant et cohérent avec la poursuite de la trajectoire d’excellence de l’école. Un objectif certes très exigeant, mais selon moi à la portée de Paris School of Business. J’entends donc voir grand, même si je sais qu’il y aura des contraintes. Il faudra suppléer à des contraintes de ressources par la créativité et l’imagination.
Une anecdote sur votre vie professionnelle ?
J’ai un ami de longue date qui habite à Grenoble et qui de temps en temps me contacte quand il est de passage à Paris pour qu’on déjeune ensemble. Un jour, je reçois un message de cet ami qui me propose un déjeuner. Je lui réponds positivement bien sûr, de manière enjouée et amicale. Je remarque tout de même qu’il n’a pas le même numéro que d’habitude, mais je pense sur le moment qu’il s’agit de son numéro professionnel.
Le jour J, je me présente au restaurant mais ne trouve pas mon ami. Cependant, il y avait un homme que je ne connaissais pas et qui me faisait des grands gestes. Ne réagissant pas, il vient vers moi et me dit : « Eh bien Philippe, tu ne m’as pas vu, nous avons rendez-vous pour déjeuner ». Et là, je suis sûr que ça vous est déjà arrivé, vous rencontrez quelqu’un et vous êtes incapable de dire qui est la personne. Elle, en revanche, vous connaît. Vous avez alors 10 minutes pour entretenir à la fois une conversation qui ne la fasse se douter de rien, tout en mettant en marche un processus pour retrouver qui est votre interlocuteur à partir d’éléments très lacunaires. J’enclenche le processus, et honnêtement j’avais l’impression de ne jamais l’avoir vu. Je réalise alors que j’ai 2 déjeuners en même temps et au même endroit, que j’ai dû me tromper dans mon répertoire car les deux ont le même prénom. Il y a donc cette personne à qui j’avais visiblement promis un déjeuner, et mon copain qui m’attend dans le même restaurant.
Je réussis finalement à identifier l’inconnu et j’envoie un SMS à mon ami pour lui dire que je suis désolé de lui faire faux bond. Surprise, j’entends le portable de mon convive vibrer. Il me dit « tiens tu viens de m’envoyer un message », et me lit le message que je venais de taper à l’instant pour mon ami de Grenoble ! À ce moment précis, je réalise mon erreur, je comprends que j’évoluais depuis 15 jours dans un tunnel de pensées. Cette confusion a bien sûr jeté un froid et il m’a fallu déployer des trésors de diplomatie pour me tirer de cet incident.
Je livre cette anecdote car de telles confusions peuvent arriver à tout le monde. Il faut être prêt à faire face à toutes sortes d’imprévu et à l’effondrement de nos certitudes.
« La diversité c’est plus que l’addition de différences, c’est vraiment de la transcendance, de la création de valeur nouvelle. »
Un conseil aux étudiants et futurs étudiants ?
Tout d’abord, je leur conseillerais de profiter pleinement de leurs études. Il y a un travail à faire, qui est en cours, sur l’expérience utilisateur. Comme je disais toute à l’heure, les écoles sont dans une dynamique de l’offre : on met une belle vitrine, les étudiants viennent, on forme des beaux diplômes, les entreprises achètent. Or maintenant, on voit bien que cette vision industrielle est de moins en moins vraie parce que finalement les usagers sont dans la conception du produit voire dans la fabrication. Les frontières entre concepteurs, producteurs et consommateurs sont maintenant largement perméables. Donc je conseillerais aussi aux étudiants de considérer leur école comme un terrain de créativité, de proposer des choses, d’être acteurs de la transformation, de l’offre éducative et de la manière dont l’école fonctionne.
Paris School of Business en 3 mots ?
Pour moi, c’est un atelier à ciel ouvert. Je sens qu’ici on est toujours dans une ambiance entrepreneuriale. C’est un gigantesque bac à sable, un espace privilégié pour l’expérimentation et le développement.